Quand il ouvre les yeux,
il lui semble que le décor n’a pas changé. Ou
si… une subtile altération. Des couples emmêlés
dansent toujours au rythme des basses gutturales, des cendres exhalent
leur fumée en spirales… la même chose. Pourtant,
légèrement à droite, une ombre nouvelle envahit
le fauteuil. Une ombre qui le regarde. Qui lui sourit. Croyant à
une hallucination il détourne la tête, pour aussitôt
la reporter vers la silhouette. Il n’a pas rêvé…
Alix est là… tout près… à portée
de voix, à portée de confidences. Elle est totalement
immobile, rien ne trahit l’intensité de son regard.
Théo se redresse un peu, honteux de son état…
Il est bien tard, la douce griserie embue ses sens, sans pour autant
les masquer… Il a soudain chaud.
Elle a dénoué ses cheveux, ceux-ci s’élancent
gracieusement de son front en vives flammèches vers ses épaules.
Le sourire a disparu pour laisser place à deux lèvres
entrouvertes, délivrant une ébauche de souffle qui
parvient jusqu’à lui, coïncidant avec les battements
de ses tempes…
– Comme je suis heureux que vous soyez là… Cela
faisait si longtemps… Je ne croyais plus jamais vous revoir…
Il sent sa tête tanguer, mais tout effort pour rompre le charme
de la croisière l’a quitté.
– J’ai légèrement bu, vous m’en
voyez désolé ; figurez-vous que c’était
plus par désœuvrement que par volonté d’oublier…
Là, maintenant, je me sens un peu emporté, à
la limite je pourrais m’envoler… c’est vous qui
me retenez ici-bas…
– Le jeu en vaut peut-être la chandelle !
Elle se moque gentiment de lui, l’ayant depuis longtemps percé
à jour.