Les rivages
du désir [tiré
de La Tentation du Silence]
À la surface
Calme devant le miroir
Retiens presque ton souffle
Et te fixe droit dans les yeux
A la recherche d'une absence
Une absence d'expression
L'œil gauche attentif et froid
Presque professionnel
L'œil droit singulièrement
Détaché et c'est la femme
Qui émerge nue
Regard droit devant
Implacable
Lèvres fermées au dessin net et tranchant
Un silence et un soupçon de question
Moment précieux d'un intervalle vital
L'évidence d'une tristesse
La caresse fragile
Entre fleur et fruit
Le nom se confronte
A un sens éventuel
La tentation d'une tragédie
L'absence d'humeur
La fatigue d'être
Et de jour après jour affronter
Les torpeurs turpitudes
Et pourtant le front dégagé
Menton haut porté
Ni morgue ni orgueil
Franchise ou fierté de qui
N'a rien à cacher
Ce regard effroyablement lucide
Sondant la surface d'une réalité
Quêtant sa vérité
Un œil plonge et l'autre souffre
Terrible sobriété
D'une nudité miroir
D'un moment volé
A l'éternité
D'une ombre de pureté
Tandis que tu vis insouciante
Et oublies déjà ces blanches absences
En un clair éclat de rire
Dissous tout reste de gravité
Illusion que ces photos
Qui incitent à l'erreur
D'un détail on bâtit son monde
N'était-ce donc qu'une humeur
Peut-être un jour
Au fond d'une nuit silencieuse
Retrouveras-tu affleurant à tes lèvres
Ce goût si familier et comme étrange
Ce goût solitaire d'une rencontre
Avec un visage où l'on cherche
Une ressemblance
Une vraisemblance
Tandis que je t'entends rire au loin
Ta photographie glisse de mes mains
Pour venir féconder
L'encre d'un désir, une soif de voir.
Attente
Sur fond d'attente des ombres défilent
Silhouettes anonymes oubliées sitôt vues
Sur fond d'attente le regard dérive
Une femme à sa fenêtre bigoudis sur la tête
Un soupirant transi consultant sa montre
Une écharpe violette — alouette —
Sur fond d'attente s'ouvre la porte
Intense figé arrêt sur image
Sur fond d'attente ce n'était plus elle
Au plafond des lumières inutiles
Au plancher une cigarette et ses cendres
Sur la table une plume un poème
Sur fond d'attente l'oreille s'apprête
Certitude à inquiétude sans transition
Sur fond d'attente un cri s'élève
Une main crispée au bord d'une tasse
Un léger tremblement des lèvres
Tambourinement anodin des semelles
Sur fond d'attente une réalité à venir
S'efface un rêve insensiblement
Sur fond d'attente extinction du regard.
Hasard bleu
Anéanti sous la pesanteur
Bourré de remords
Émietté à coups d'amertume
Tout à coup
Un espoir surgit
Les doutes s'évanouissent
Lueur certitude éclaire le bout du tunnel
Je renais
Il a suffi de quelques secondes
De quelque parole
D'un parfum de complicité
Pour retrouver et
Consistance et légèreté
Ébloui par les rayons d'un soleil
Grisé aux yeux fermés
Rasséréné
Et règne la confiance…
Et reste immobile
N'osant faire
Un pas en avant
Tout ne dépend
Pas
De moi.
Décembre
Le corps happé par la pénombre
Je suis sous le réverbère des yeux
Ton ombre
Nappe phosphore j'y plonge
Pointe aiguë sous Minuit vertical
Je tremble
Cette immense interrogation de l'être
Parmi les silences qui m'obsèdent
Proche de l'asphyxie
Immobile dans la neige un soir de décembre
J'attends de l'aube ou le givre ou la nacre
L'incandescence de l'âme
S'est tue en braises presqu'éteintes
Un souffle suffirait : me ravive
Cependant :
Est-ce le souffle ou la braise le réel ?
Nul et non avenu ou les deux à la fois
Questions anonymes
Aux réponses muettes
Je ne sais plus laquelle des réalités
Embrasser pour qu'à mon tour j'embrasse
Je ne sais plus alors qu'immobile
Dans la neige un soir de décembre
J'attends de l'aube ou le givre
Ou la nacre.
15:15
Derrière une colonne je distingue un profil
Paisible serein la paupière baissée
Des lèvres immobiles mais sans doute faciles
Gracieux un nez joue de la trompette
Une fossette sourire en miniature
S'exerce à palpiter tel un cœur futile
Une joue en trompe-l'œil un charme de plus
Sous un front fier tel une courbe sphérique
Si d'aventure le profil se tournait trois quarts
Impossible de ne pas aimer absolument
Pour l'instant je jette une pièce en l'air
Attentif pile ou face peu importe.
Confus espoir
Croire à l'ivresse d'un vertige
Suivre la dérive d'une sensation
Que le désir suscite l'élan
Que la passion y germe
Que l'émotion enfin tressaille
Fi du quotidien fi du matériel
Fi de la torpeur des contemporains
Ra di ca le ment seul je ne peux m'empêcher
d'espérer
Espérer l'ivresse d'un vertige
Découvrir une idéale âme sœur
Espérer celle-ci… oui ! Y croire
Dehors pour l'instant rien qu'un instinct
Qu'un élan diffus porte au-delà
Brume vitre huileuse yeux écarquillés
J'attends tant et tant ne désespère point
Espérer que le virtuel prenne forme
A force d'auto-persuasion peu importe
Espérer que le réel
Sublime jaillisse
Et m'imbibe et m'envahisse
Que j'y succombe oh oui que j'y succombe
Sombre et coule jubilatoire au fond de la jouissance
Oh sacré volupté transgresser les bornes de l'ici
du maintenant
Tant que confus l'espoir diffuse…
Blonde inconnue
Rues désertes au quotidien
Grisaille morne matinale
Monde souterrain engourdi
Rien que du laid aucun intérêt
Un jour fit en sorte que mes pas
Croise ceux d'une femme à la facture différente
Je souris, ravi par le plaisir de la vue
Elle faillit sourire, enfin je le crus…
Les journées continuaient à se dévider
Foule désormais, multitude, grains de sable
J'oubliais, mais le hasard à nouveau…
Et je me mis à reconnaître et espérer la blonde
inconnue
Sans doute rien ne se passera, rien que le hasard
Pourtant elle faillit sourire et je croisais — il me semble
Son regard : peut-être même qu'elle se retourna une
fois…
Pourquoi pas ? Haussement d'épaules : non, c'est le hasard
Je voulus que du hasard naisse une rencontre
Sans grand espoir, je tentai quand même
La suite je ne la connais que trop
— mais j'imagine…
Sans doute rien ne se passera, aucun déclic
Retour à la grisaille matinale, et de temps en temps
Une blonde étincelle
Insensé que fus, que je suis,
Qui voulait que de l'étincelle
Germe une flamme ! Blonde inconnue,
Je vous salue…
Danse
Sur la corde raide du poème
Une ombre à peine s'élève
Titubante frémissante elle s'élance
La plume entame sa danse
… Cinquante mètres plus bas la danseuse harmonieuse
Maîtrise son corps imprime sa cadence
Suprême art de la danse
Sculpture du corps implacable
Peinture du chorégraphe mouvement et vie
Rythme souverain lien d'argent de la musique au cœur
Pour de l'âme exprimer le désir
Sur la corde raide du poème
Une ombre à peine tournoie
Titubante frémissante elle s'épanche
La plume déclame sa danse
Désir de ressentir désir de partager
Passion virevoltante passion enveloppante
Chaude élancée sensuelle sacrée
La danse danse danse danse
Et ses effluves rebondissent encore
Au fond à fleur de peau à vif de la mémoire
La plume tente bien d'en saisir la substance
Impuissante, pourtant…
la vie est mouvement la vie ne se laisse fixer la vie
Sur la corde raide du poème
Une ombre à peine balance
Titubante frémissante elle lance
Son humble hommage à Sylvie Guillem.
Incidence [I]
Véronique ou le don du sourire
Va et vient la petite fille
Aux allures d'innocence
Vient et va selon le rythme de l'humeur
L'éclat blond feu follet
…Tente la plume décalée
De calquer à la vie transcrire
Vouée à l'échec elle en continue le jeu
Indifférente ou amusée…
Virevolte Véronique vite et plus
Véronique à la vie Véronique
Au don du sourire doux don
…La plume tente bien…
Victoire qui n'est que figement
Et continue la vie tandis
Que l'extinction guette la plume…
Que la nuit règne et fuse l'étincelle
La voix légère le regard qui s'attise
Toute entière à sa dérive… et perce la
brume éclat blond !
Jeu des apparences à l'insouciance confirmée
Moi qui la suis des yeux et de l'oreille
Oscille sous le rythme et tangue tangue
Mais le cœur est loin loin est le cœur
Monologue tous et tout
La cigarette se consume
Seul le poème apte à saisir
De la vie l'instant désir
Calque ou prisme peu importe
Qu'âme frémisse et conscience s'évapore.
Vision
Inspiration…
La courbure du cou s'accentue la nuque s'abandonne
Paupières refermées les longs cils inquiets
Loin du bruissement des rails le sommeil s'amplifie
D'un recoin du regard j'épie du rêve les tressaillements
Mais rien ne transpire sinon la langueur vagabonde
A côté hermétique une jeune fille endormie
Confiante sous mon regard
Celui qui erre sans relâche scrutant du vide la faille
Sur la paroi le mur la voûte l'abîme rien qu'une entaille
L'entaille de l'attente l'entaille de l'Espoir
Dans une ville capitale
Dans d'autres temps
Quand le bleu de ses lèvres me couvrira
Ses bras de mer ses yeux de ciel
Le feu du temps le voile, la terre, héraldique ou linceul…
…Expiration.
Virtuel
Ton regard livide me hante
Sous sa couverture de glace
Froidement polie par le miroir
Mais ces yeux clairs me tentent
Étrange familiarité que cette
Tristesse affichée et comme désuète
Mystérieuse complicité
Au creux de tes lèvres fermées
Frère d'âme je m'érige
Par la légèreté d'un vertige
Désirant tant rejoindre ta dérive
Apprendre selon tes humeurs
Ton rythme tes cadences
D'un idéal la petite sœur
Qui danse aux bras d'un rêve
Oui explorer sur tes pas
Les différents visages
D'une lune vagabonde
Les trésors des reliefs souterrains
Tout au long d'une saison d'hiver
Montrer du doigt les soleils noirs
Sentir l'amour sourdre selon
Une centripète spirale
Attendre en ta compagnie
Le souffle des vagues l'écume
Joindre ensemble flamme et chaleur
Fermer les yeux sous la douceur…
Cependant pour l'instant
J'ouvre les yeux sur ton visage
De papier à peine froissé
Visage intact : rien ne bouge.
Insouciante…
Insouciante parmi la pluie elle accroche
Un réverbère tourne virevolte et puis sourit
Alors qu'un néon solitaire de sa vitrine
La contemple faire
A l'angle un chat en lotus fume sa pipe
Sans mot dire son chapeau protecteur son grand manteau
En corolle sur le sol : le moustachu du bitume
A fière allure la tête en l'air
Pourtant la pluie tourbillonne indifférente
Uniforme dans les ruelles désertes
Exceptée cette fille légère présente
sans motif
Si ce n'est la compagnie des lampadaires
Blasé lassé je quitte ma fenêtre
Allongé dans mon lit je fixe la vitre
Et ses centaines d'yeux ouverts dégoulinant
Le long de la transparence.
Rencontre
Traînées vertes aux doigts
Béret noir déchiré à l'insigne métallique
Silhouette esquissée parmi la faune du Flore
Premier étage : en route pour l'ascension
Voix cassée regard ardent au fond d'une solitude
L'accrocheur de la parole générosité exubérante
"Étonnez-moi je vous étonnerai" entonne
Le chantre de la perdition
Fragments bribes noms lieux défile le paysage
Interne vrai fou fantasque élastique
Univers aux portes de la conscience
Fuite en avant partage désespoir
Quelque filtre obscur au fond des veines
Kavelson charme séduit et puis s'enfuit
Laissant derrière des impressions fortes
Un relent d'émotion un désir confus de le revoir.
Orchestre
le rappel
Jeudi de l'autre côté de midi :
Flore habituel Kavelson débarque
Fébrile à la foison de croquis
Portraits de femmes à l'abandon
et dérive sa barque
La Leçon de Musique la Confidence
Garçons de café filles lascives
Le même spectre aux cadences passives
De l'émotion capturer l'incidence
L'Orchestre esquisse à coups de couleurs
Noir vert bleu rouge la mélodie s'installe
Rapide progression jusqu'au cœur
De la nuit : le silence au front pâle
le silence
Instruments aux dernières rougeurs au fond de l'ombre
Kavelson appliqué parachève et magistral s'incline
Tension humeur de vaines fatigues déclinent
Parti est-il : dérive et délire : Miloslave sombre.
Incidence [II]
…Petite fille adolescente
Femme aux désirs de vie
A tête de cœur au cœur de braises…
La petite fille aux allures d'innocence
Semblait parfois vaciller tituber
Ses yeux marbrés mettaient un temps
A briller retrouver le sourire ténue incandescence
Pourtant au fond d'elle-même
Résidait un charme vital
A l'espoir incommensurable
Et elle survivait, flamme et fleur
…Petite fille adolescente
Femme aux désirs de vie
A tête de cœur au cœur de braises…
La fleur à peine éclose ivre de ses pétales
La frémissante flamme si menue
Qui éclairait pourtant tel un phare
La plage cendrée des noctambules
Elle avait su garder de la vie la fraîcheur
Garder des émotions leur saveur
Elle était vivante comme un fou rire
Elle incarnait l'espoir cristallin
…Petite fille adolescente
Femme aux désirs de vie
A tête de cœur au cœur de braises…
Aiguillon
Caractère pas vraiment facile
Mû par une impérieuse nécessité
De faire réagir et que surgissent
Pêle-mêle les sentiments
Leste langue qui caresse ou qui mord
Mains aux prestes griffes
Qui cherchent constamment à tester
Nul havre où se reposer
A son contact parfois
Un agacement certain
Que compensent bien sûr
Et le charme et l'ardeur
La tentation de dire
Mais à quoi bon tant d'efforts
Toujours prouver autant sinon plus
Pourquoi pas la simple confiance ?
Cependant évidente jaillit la réponse :
L'angoisse de l'habitude
A tout prix contrer la lassitude
Que nulle part la torpeur ne s'installe
Que jamais une rencontre ne s'enfonce
Tempérament caractère humeur bariolée
Condiments du sentiment
A l'épreuve du temps.
Étincelle
Un jour je marchais dans la rue
Lentement un pied devant l'autre un pas plus un pas
Un réverbère traversa mon chemin
Un réverbère éteint triste morne
Inutile il s'en voulait m'en voulait
Je m'assis près de lui à ses pieds contre lui
J'attendis qu'il fasse assez nuit pour qu'il s'allume
Peine perdue le réverbère demeura éteint triste
morne
J'avais froid dépensé tous mes sourires
Je voulais me réchauffer mais n'avais rien
Immobile aussi le regard éteint triste morne
Je souhaitais qu'une étoile nous envoie un rayon
Au réverbère à moi mais le ciel pas de ciel
une tache noire
Pesanteur pas d'espoir tout est éteint triste morne
Alors alors alors quoi je me levai rire strident
Pour arracher mes pleurs fendre le voile
Je me fis gouttelette nichée dans le réverbère
Feu flamme réverbère allumé
Clochette signal de la danse
Parfois un simple bouffon suffit à prendre
Parfois un mince instant parvient le quotidien
Parfois un joli clown réussit à son propre jeu.
Effort
Un regard brouillé par une vague de larmes
Au creux de ses lèvres s'abrite l'écume
D'une présence qu'atteste en vain l'amertume
Une poignée d'émotion… fuite du charme
Sur la fugace plage d'un désir immobile
Tendrement s'esquissait une éternité
Dessins d'avenir sur fond de sérénité
Désormais une toile béante et futile
Aujourd'hui plongé dans l'étau de l'absence
Je tâche sans relâche d'oublier ta lumière
Indocile pourtant s'échappe la matière
Tourmentée torturée gît seule la souffrance
Certains soirs je t'exècre te vomis t'abandonne
D'autres nuits je t'adule te supplie et gémis
A l'aube j'entame une nouvelle insomnie
Regard vide aux yeux fixes mon âme résonne…
Les amants de l'asphalte
Ils marchaient enlacés dans les rues parisiennes
S'asseyaient sur les bancs, tendres amants du bitume
Contemplaient de la Seine la surface nocturne
Par des lèvres soudées échangeaient le serment
De ne se quitter que pour mieux se retrouver
De laisser cours à l'insouciance amoureuse
Pour seuls témoins trottoirs et réverbères
Cachée derrière un nuage la lune frileuse
Sur le Pont des Arts s'assirent et regardèrent
Les bateaux aux phares aveuglant les façades
De leurs yeux brillants cet endroit ils consacrèrent
Soucieux d'abolir à jamais les barricades
Amants au macadam, qui ne se doutaient guère
Que l'une allait le quitter et l'autre la perdre.
Convalescence
Noirceur se dissout
Jour blafard à l'ombre uniforme
La pâle emprise du quotidien
Tirant sur sa laisse
Ballotté main dans la poche
La paume qui renferme quelque talisman
Serre si fort que se désagrège
Poussière
Le front couvert des cendres
Je ne peux oublier les marques
Béantes sur écume d'âme
Noirceur se dissout
Len te ment
Non pas pour laisser place
Au soleil ou la lune
Non poussée enfouie par la nappe de brouillard
La brume ensevelie
Noirceur se dissout pour mieux ressurgir ?
Noirceur se dissout attend son heure
Gris — neutre — règne.
Fin d'été
Amie je suis revenu ce matin-ci
Machinal sur la plage à vous attendre
Mer étale des lendemains de lune
A l'indifférente mouvance, tristesse
Ce n'est que plus tard aux auspices d'un vent frais
Que vint vers moi le souvenir : vous étiez partie
Et je me retrouvais seul comme au premier jour
Je baissais la tête, fermais les yeux
Attente des anciens souvenirs
Et de nos délires communs
Attente des désirs à venir
Et des jouissances furtives
N'était-ce donc qu'un épisode
A l'épilogue certain
Avez-vous, dans votre sillage
Ma tendresse en mémoire
Et votre promesse, vous souvenez-vous ?
Je partirai bientôt aussi
Sera-ce pour vous rejoindre
Tenace serai-je si
De vous me parvient l'appel
Que je me fie au désir
Désir, concave sur la plage
Sous les dunes de mon attente
Attente des anciens souvenirs
Et de nos délires communs
Attente des désirs à venir
Et des jouissances furtives.
Retour
Ainsi prend fin la Traversée du désert
Quarante jours qui s'envolent en fumée
Souffrances de l'absence évaporées
Car de ta présence irradie la terre…
Combien d'errances sommes-nous appelés
A entreprendre
Combien d'émotion sommes-nous prêts
A saisir
Pour des existences créer la vie…
Ombres aux auréoles incandescentes
Cierges sur l'autel de quelque dieu
Saints ou martyrs
Là n'est pas la question :
Du moment que nous voguons
Dérivons sourire aux lèvres.
Consolation
Quand ton regard devient grave
Asséché d'avoir trop pleurer
Qu'une amère rumination
Accapare ton humeur
Et génère une torpeur brouillée
Quand tes yeux me fixent perplexes
Et semblent demander "pourquoi"
Alors que tes lèvres entrouvertes m'implorent
Ton corps garde un digne maintien
L'émotion m'envahit léger frisson
Je donnerais mon âme pour racheter
Ta tristesse amie la verser dans quelque
Écrin de verre hermétique
Et la contempler cardinale
Qui repose
De même l'ondée passagère
Laisse après sa décharge
Un ciel plus clair, un air plus vif
De même tes larmes livrent un regard
A la lueur distincte étrangement sereine
Je fonds devant ta fragilité
Si vulnérable tout à coup
Et deviens comme fou
A désirer ton réconfort
Je voudrais devenir
Un éclat argenté
Au fond de tes pupilles
Une sensation sucrée
Sur ta langue lovée
Le sort parfois s'acharne
De par sa violence nous désarme
Il ne reste plus qu'à pleurer
Et tenter de consoler
Je voudrais amener ton sourire
Par ma seule présence
Ou même provoquer ton rire
Par quelque pitrerie
Je voudrais que tu oublies ta douleur
Ne fût-ce qu'un instant
Je voudrais t'apporter la douceur
Assis à tes côtés, tout simplement.
Petite fille
Petite fille aux yeux charbons
Te souviens-tu de nos frissons
Les soirs où bras dessus bras dessous
Nous dérivions de concert ?
Te souviens-tu des mots que tu m'écrivais
Anodins humbles exaltés
Les humeurs que tu partageais
Qu'à chaque miette je savourais ?
Petite fille à la flamme telle
Que tu grandissais femme
Je t'ai vêtue d'azur…
Sans me douter qu'à la terre
Tu appartenais et qu'à la Terre
Tu reviendrais
Petite fille aux bracelets d'argent
Qui renonça à la brume
Qui en guise d'azur
Ne sentit qu'une pluie âcre
Près d'étouffer ses poumons
Petite fille qui peut-être avait raison…
Petite fille aux cheveux de lave
J'espère qu'en quelque nuit
Tes yeux irradient toujours
Les élus de ta présence
Pour moi tes yeux luisent
Dans un souvenir de braises
A la pâle incandescence
Du silence je n'ai pas même la décence
Et t'apporte le poème qui se voudrait caresse
A l'image de mon immémoriale tendresse…
Enfants du silence nous étions un, pour la vie
La parole ou l'existence nous séparèrent
S'il te venait, un jour, l'envie de revenir
Sache que je serais là, à bras ouverts.
Cosi fan tutte
L'indifférence vous sied bien à vrai dire
Elle compose pour votre tête un magnifique diadème
Porté haut sur le front comme ce sourire
Léger qu'arborent vos
lèvres adorable amie
Pas un geste de votre main n'est venu, douce Créature
Trahir un quelconque sentiment à ma vue
Vos yeux de marbre sont restés gris sous leur dorure
Et c'est à peine si je les ai reconnus
Dire que sous d'autres lunes vous vous offriez
Ardente voluptueuse et cambrée
Sans cesse à l'affût du plaisir
Vous jouiez-vous déjà de moi ?
Dire que votre cœur semble
Creux de nos souvenirs tendres
N'était cette infime crispation le long du cou
Que je crus surprendre
J'étais tentée de vous confondre Vipère
Qui croyiez tourner si facilement la page
Et pourtant je me retins par quelque mystère
Curieux de voir ce que cachait le masque
Je n'y trouvais qu'un grand vide Perfide
La page était tournée
Et vous l'étiez vous-même Déchue
J'en fus déçu, révulsé, retourné…
Sans doute que n'en valiez pas la peine
Esclave de la loi de votre genre — Vassale
Je vous laisse à votre indifférence souillée
!
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