Il revint au centre
de la pièce, non sans difficulté, et s'assit sur un
fauteuil recouvert d'un drap terne qui avait dû être
blanc naguère, comme on en voit habituellement dans ces maisons
de campagne abandonnées lors de la saison morte, à
l'abri de la poussière. Il s'assit pesamment sur le fauteuil,
un bras ballant plié au coude vers la gauche, l'autre au
poing fermé soutenant son menton. Le jour se levait doucement,
au dehors, mais la grisaille semblait persister dans le salon à
peu près vide, n'était la pile des cartons alignés
près de la porte. Le parquet laissé à lui-même
abritait des traces blanchâtres, signes biscornus, peut-être
cabalistiques, à la géométrie indéniable
mais mouvante, elles formaient observées d'en haut l'algèbre
de quelque grimoire insoluble, traces d'humains, pivotements de
meubles, empreintes de pas, coups de butoir, témoignages
d'un reste d'activité. Une heure s'écoula avant que
le soleil d'octobre ne puisse pénétrer ; sitôt
qu'un rayon s'infiltra, le sol ne fut plus que reflet aux lignes
sagement ordonnées, diagonales parallèles.
Grégoire leva les paupières, tourna un peu la tête,
de manière à pouvoir embrasser du regard circulaire
l'ensemble du salon. Dans une heure la réalité qu'il
avait sous les yeux ne serait plus que passé. Que retiendrait-il
de ce décor sec et sombre, de ces quatre années écoulées
ici même ? Il fouillait chaque recoin, redécouvrait
un certain relief que les objets avaient fini par occulter. Rien
n'y faisait, il se retrouvait dans une neutralité absolue,
territoire étranger. Aucune véritable impact ne s'était
opérée, ces quatre années glissaient maintenant
hors de lui, hors de sa mémoire, allant s'ajouter à
l'amoncellement d'un recoin, sorte de pan de mur brunâtre
à la matière indéfinissable. Il soupira, ramena
les mains sur ses genoux, tenta de s'abstraire à nouveau.