FRACTEUS matrice d'1 identité chaotique quantique / réflexion instable déformée évolutive aléatoire du je en mots / perceptions… MATRICE code source à multiples variables / dimensions connues et inconnues / coefficients espace temps indéterminés / ensemble apparemment ordonné / interface / témoignage… THEO BLAST sujet / terrain / 2 la matrice / je / est 1 / infinité (d') autre(s) / provisoirement définitif & définitivement provisoire…

 


La fuite en avant, suite

Son visage était émacié, ses cheveux gris témoignaient d'un vieillissement prématuré. Remontés haut sur le crâne et plaqués en arrière, coupés régulièrement à mi-nuque, ils découvraient un front singulièrement lisse. Ainsi le rajeunissait-on sitôt s'attardait-on un peu à le dévisager. A vrai dire était-il pourtant sans âge. Ses yeux, gris bleu, s'enfonçaient résolument dans leur orbite, et la plupart du temps se maintenaient à peine entrouverts, ce qui faisait que, selon l'angle de vision d'un spectateur, on pouvait croire qu'il sommeillait. Sa maigreur n'allait pas cependant sans une robuste constitution, des épaules larges renforcées habituellement d'ailleurs par des vestes taillées à l'américaine, amples et sombres. De toile l'été, volontiers de tweed l'hiver. Ses mains avaient été à une certaine époque sa fierté : longues, effilées, des mains de pianiste aimaient à dire ses conquêtes du moment sans s'être concertées et pourtant. Les ongles impecca-blement taillés, des lunes tranchantes, des jointures aussi fines que nerveuses. Des veines les parcouraient saillantes, bleutées, conférant au tout une impression de puissance. Pourtant maintenant portait-il la plupart du temps des gants, pour les cacher à sa vue. En effet s'étaient-elles, parallèlement aux cheveux, vieillies elles aussi, ridées, fripées. Indice de quelque laideur ou vice internes, à la Dorian Gray ? Il ne comprenait pas en quoi. Mais les mains exposaient leur infirmité chaque jour le dégoûtant un peu plus — oui, des mains de vieux, vraiment —, ce pourquoi il avait opté pour des gants, malgré l'inconfort, et le désagrément de ne pouvoir caresser un objet et de disposer ainsi d'un contact immédiat. Il suivait la progression des rides, fines aux alentours des yeux, presque perceptibles sur le front, de plus en plus accentuées au détour des lèvres, ces rides qui marquent en pesanteur le visage, pour qui ne sourit plus qu'à peine, et encore, sous la grimace de l'effort.

Son aspect n'était donc plus très engageant, même si on se rendait compte qu'il avait sans doute été beau, mais c'était une beauté qui avec l'âge s'était mué en physique frappant, au charme persistant certes, mais aidé de l'éclairage. Il n'aimait plus ses traits, pas assez lisses selon lui, c'est-à-dire inaptes à une fluidité totale, car inaperçu voulait-il passer.
Du moins ses yeux s'ouvraient-ils plus avec l'âge, mais leur mobilité s'affaiblissait, de même que le désir, ainsi prenaient-ils quelquefois, de plus en plus souvent, une attitude fixe. Le regard, butinant naguère à droite et à gauche, s'arrêtant sur tel ou tel détail, rentrait de même à l'intérieur, se perdait dans le vague. L'intransitivité semblait acquérir du terrain. L'intransitivité, radicale car irréversible.

La glace s'embua soudain, il dut mettre un terme à son inspection.

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