Ah !
Elle passe et repasse devant mes yeux, cette silhouette ! Toujours
accompagnée par cette vieille chanson… De ces échos
qui se répercutent contre les rochers, en bas… Je m’en
souviens à présent… cela se précise.
Les couleurs reviennent, la mémoire fonctionne.
Une ville un peu comme toutes les autres, inintéressante,
juste assez singulière cependant pour que le regard se détourne.
Il fait nuit, et le rayon d’une étoile vient s’égarer
près d’un réverbère. Le jeu des reflets
le repousse vers une fenêtre entrouverte d’où
provient une faible rengaine, juste quelques notes que la voix égrène
sans trop y penser.
Fatiguée. Elle se penche légèrement vers la
surface du miroir et dénoue ses cheveux. Les flammèches
noires rebondissent et ondulent le long du cou pour venir s’étendre,
s’éteindre dans les courbes des épaules. Les
yeux se ferment à demi, deux mains enserrent le visage en
une coupe régulière ; la bouche entrouverte, immobile,
laisse filtrer un soupir. La rengaine s’est tue.
Un simple souffle, régulier, des draps qui recouvrent une
forme allongée, la face tournée vers le mur. Les genoux
se replient, le dos s’arque, la pièce est sombre et
silencieuse. Seul le chat peut voir cette peau luire légèrement,
assurant la transition entre la vitre et l’interrupteur. Le
chat saute sur le lit, dans un coin, ses yeux se plissent puis se
ferment.
Le miroir un peu terni, poussiéreux, forme un trou sombre
dans la pièce. Quelques rêves franchissent timidement
le bord et, rassurés, s’élancent dans la chambre.
Ronde familière, fascinante, attachante.