La connaissance elle aussi est illusion. Cela se sait d'ailleurs,
paradoxalement, puisque plus l'on connaît, plus l'on connaît
en fait les bornes sans fins de son ignorance.
La quête de la connaissance est une des principales occupations
humaines. Depuis le chercheur jusqu'au lecteur des magazines. Seules
les méthodes d'acquisition de la connaissance ont changé
: on y passe moins de temps, on veut du prédigéré
face à un monde où la technologie et une connaissance
diffuse a pris la place de l'encyclopédisme. On zappe, on
cherche quelque chose de précis et l'on ne vise plus le tout.
On cherche de plus en plus la connaissance utile : que ce soit celle
qui permet de se divertir, celle qui permet de divertir les autres,
celle que l'on croit utile à son travail.
Beaucoup de liens ont été faits entre connaissance
et puissance, la connaissance étant l'une des apogées
du pouvoir, selon beaucoup. Il s'agit plutôt de la dictature
du savoir, ou de ceux qui donnent l'impression de savoir beaucoup.
Mais même le corps professoral est tombé en désuétude
et l'on s'aperçoit de plus en plus de la profonde inutilité
de la quête de connaissance en tant que telle. Illusion que
la tête bien remplie dès lors qu'elle se remplit pour
elle-même.
La connaissance a de beaux restes cependant tant qu'elle sera connaissance
de quelque chose. L'on cherche à épater, à
surprendre, mais surtout à trouver un terrain commun avec
autrui, base du nécessaire compromis pour avoir l'impression
d'avancer. La connaissance est donc essentiellement une des bases
utiles au rapport à l'autre, et dans un rapport à
soi utile au divertissement de soi-même. Illusion et passe-temps.
La connaissance se dissout dans l'infinité des possibilités,
dans l'infini du nombre. On connaît tout comme on ne connaît
rien, alors un peu plus ou un peu moins : signe de la diversité
humaine. Il n'y a aucune connaissance globale, encore moins de connaissance
de soi. Le soi dont on parle n'est pas unique et immobile, il se
segmente en d'infinis fragments dans le temps, les situations, le
contexte, les degrés d'introspection. Que l'on s'y essaie
et l'on se heurtera à des impasses.