Le jugement procède de la morale et lui sert de garde-fou.
Pour juger, qui prend-on comme modèle ? Il n'y a pas de modèle,
ou celui-ci n'est pas fiable, changeant, totalement subjectif. Donc
versatile. Il est d'ailleurs intéressant de voir à
quel point les "meilleurs" modèles sont désincarnés
: saints, mythes, légendes, stars. Le jugement est donc une
illusion à part entière.
Juger, c'est si-tuer l'autre. Juger l'autre c'est déclarer
que ses a priori sont plus réels que toute réalité.
Un jugement révèle et positionne beaucoup plus son
auteur que son objet. D'ailleurs le jugement a ce rôle de
fonder, ou de contribuer à fonder l'identité.
L'omniprésence du jugement joue même dans l'avenir
avec le "qu'en dira-t-on" qui n'est que la peur d'un jugement
virtuel.
En marge :
• Parce que juger aide à se positionner soi-même,
j'ai tendance à ne pas trop interférer avec le jugement
des autres. Il est avant tout révélateur de leurs
doutes, de leurs faiblesses ou de leur éventuelle sclérose.
Il révèle que leur auteur se sent en danger, le jugement
n'est parfois que l'expression d'une identité faible se sentant
menacée dans on intégrité, dans ce qui la fonde,
comme par exemple cette femme "respectable" outrée
par certaines mœurs.
• Si j'essaie pour ma part de ne pas trop juger, je ne peux
parfois m'en abstenir, c'est si tentant, à croire que c'est
naturel. Responsabilité du langage dans cette tentation omniprésente.
• Fondamentalement je ne comprends pas comment on peut juger
les autres et y croire un tant soit peu. Si je juge je ne porte
aucune valeur à ce jugement.
• Il semble souvent impossible, à écouter les
hommes, de parler de quoi que ce soit ou qui que ce soit sans le
ou les juger.